1. LE CHENE

O, mon chene,
de l'oree de la foret
aux clairs lointains j'entends en la poitrine d'une tour
battre ainsi qu'un coeur une cloche
et aux murmures
il me semble
que des gouttes de calme coulent dans mes veines, non de sang.

Mon chene de l'orée de la foret,
pourquoi suis-je vaincu
par tant de paix aux molles ailes,
quand je repose en ton ombre
et que tu me caresses de ta mutine feuillée?

Qui sait? - Peut-etre
ira-t-on me tailler dans ton tronc,
un jour prochain, peut-etre, mon cercueil,
et le calme
que je gouterai entre ses planches,
et muet
j'écoute grandir en ton corps le cercueil,
mon cercueil,
avec chaque instant qui passe,
o mon chene de l'orée de la foret.

2. LE CHANSON DU VENT

"En amour personne,
personne,parole ne tient.
a jamais enlacé
seule la terre nous tient."
Ainsi chante déchiré
pres de moi le vent,
ci a droite, la a gauche,
pres de moi le vent.
3. PAR LE GRAND PASSAGE,

Le soleil au zénith tient la balance du jour.
Le ciel s'offre aux eaux d'en bas.
De leurs yeux sages, le betes qui passent
y regardent leur ombre sans frayeur.
Des frondaisons se voutent, profondes
sur tout un conte.

Rien ne veut etre autrement qu'il n'est.
Seul mon sang brame par les forets
apres sa lointaine enfance,
tel un vieux cerf
apres sa biche perdue dans la mort.

Elle a peut-etre péri sous des rochers.
Elle a peut-etre sombré dans la terre.
Je guette en vain quelque écho d'elle,
seules les grottes résonnent,
et les torrents fouillent les profondeurs.

O, s'il y avait un peu de silence, comme on entendrait bien
la biche cheminant dans la mort.

Toujours plus je vacille sur mon chemin,
je clos de mon poing toutes les sources,
pour les faire taire a jamais,
a tout jamais.

Poemes de Lucian Blaga